FARID MEDJANE

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Farid Medjane

Peau neuve

Après le split (définitif) de Trust, l’arrêt prématuré de Handful Of Dust et du Kollectif AK47, Farid Medjane avait besoin de s’extirper de la morosité ambiante. Il a ainsi monté Buzz avec son pote de toujours Yves « Vivi » Brusco, une véritable bouffée d’air frais, à en croire l’enthousiasme de notre batteur…

farid scène

Farid, comment est né ce groupe ?
Tout a commencé avec mon compagnon de route Vivi, avec lequel nous avons écrit de nouveaux titres. Très vite est venue la question du chant. Nous ne voulions pas passer une annonce du genre : « Vivi et Farid cherchent chanteur », car nous aurions croulé sous les demandes. Nous avons donc fait appel à nos connaissances, en souterrain, et  avons fini par auditionner six personnes. Tous étaient très bons, mais dès que Charly (Ella) est entré dans la pièce, il s’est dégagé comme une sorte de charisme. Nous savions que c’était lui. Nous avons fait l’album à trois, Vivi s’étant occupé des guitares et de la basse. Par la suite, nous avons complété le line up avec Marine Demettre à la basse et Elise Masliah à la guitare, qui nous ont séduits par leur fraîcheur, leur attitude et leur culture musicale.

Avec Buzz, on peut dire que vous êtes allés là où on ne vous attendait pas…
Effectivement, nous les vétérans, sommes entourés de jeunes musiciens d’une vingtaine d’années, avec un chanteur n’ayant rien à voir avec Trust. Je vais t’avouer que pendant les auditions, nous étions tombés sur un excellent chanteur, à mi-chemin entre Johnny Hallyday et Bernie. Vivi et moi sommes alors tombés d’accord en un regard. Nous devions éviter de végéter dans le style qui nous a fait connaître, en refusant d’être marqués au fer rouge. Et puis qu’aurions-nous apporté de plus dans le créneau « rock revanchard » ? Non, vraiment, il fallait changer de cap !

Après toutes ces années, comment appréhendes-tu l’entrée en studio ?
Etant toujours guidé par l’envie de bien faire, c’est pour moi un défi permanent. Bien sûr, je pourrais tout mettre en boîte en une prise. Mais trouver la bonne idée, le meilleur groove, demande plus d’efforts. Je ne fais pas que jouer de la batterie, je compose mes parties de batterie. Par le passé, on m’a imposé des séances expéditives qui ont généré en moi une frustration extrême (Farid fait probablement allusion à  « 13 à table »,  le plus bâclé des albums de Trust, ndlr). Une fois enregistrées, les chansons sont gravées dans le marbre. Impossible d’y revenir ! Alors autant s’appliquer.

Ceux qui me connaissent savent que je suis intenable et que j’aime faire le show. Mais c’est un tout autre batteur  que vous retrouverez dans le cadre de Buzz. Mon rôle est de tenir la baraque, de faire en sorte que tout le monde se sente bien, et non de me  mettre en avant.

Comment se sont déroulés vos premiers concerts ?
Les dates de Bordeaux et Toulouse se sont très bien passées. Nous étions encore en phase de rodage, chacun devant prendre ses marques. Pour une fois, je me suis astreint à mon rôle de batteur, évitant de montrer mon côté « chien fou ». Ceux qui me connaissent savent que je suis intenable et que j’aime faire le show. Mais c’est un tout autre batteur que vous retrouverez dans le cadre de Buzz. Mon rôle est de tenir la baraque, de faire en sorte que tout le monde se sente bien, et non de me  mettre en avant.

Le public vous a-t-il réclamé Antisocial ?
Non heureusement ! Vivi et moi sommes fiers de ce que nous avons accompli avec Trust, mais il est temps de nous consacrer à cette nouvelle aventure. Pour le moment, tout se profile comme prévu. Nous avons eu d’excellentes retombées du premier single Où es-tu ?, et nous allons bientôt assurer la première partie de la tournée des Insus.

Justement, on peut faire un parallèle entre ton jeu et celui de Richard Kolinka, brut, direct, avec une gestuelle ample. Que représente ce batteur pour toi ?
Je l’adore depuis ses débuts. En plus, c’est quelqu’un que j’apprécie humainement. Nous n’avons pas vraiment évolué dans le même monde, mais nous nous retrouvons sur cette tournée symbolique, réunissant deux ex-Trust et trois ex-Téléphone. J’ai hâte d’y être…

Comment était l’ambiance entre les deux groupes dans les années 80 ?
Super sympa ! Certains tenaient à créer des polémiques en nous confrontant, comme les Stones et les Beatles ; mais en vérité, l’entente était très cordiale.

Ton lien avec Vivi est si fort, que je suis persuadé que tu le suis en premier, quel que soit le bassiste qui t’accompagne…
Tu as tout à fait raison. Je le connais si bien que j’ai développé un tas d’automatismes. J’ai rencontré dans ma vie des musiciens hautement plus techniques, mais à mes yeux, en tant que batteur au service de la chanson, rien ne vaut l’osmose et la communication que j’ai développées avec lui.

As-tu analysé les raisons pour lesquelles cette collaboration fonctionne aussi bien ?
Nous sommes liés par une très forte amitié. Il est mon frère de sang. En trente-cinq ans, nous n’avons jamais eu un mot plus haut que l’autre. Nos échanges ont toujours été sans ambiguïté. Nous ne nous sommes jamais pollués avec des problèmes financiers ou d’ego. Il ne faut pas non plus oublier son talent en tant que musicien, malheureusement encore trop méconnu du grand public. Dans Trust, il n’était jamais mis en avant, mais il constituait une pièce maîtresse. Il joue super bien de la basse, de la guitare, sans compter ses aptitudes vocales. Franchement, je me vois mal monter un nouveau groupe sans lui.

Tu l’as connu en tant que bassiste et guitariste. Dans quel rôle le préfères-tu ?
J’ai l’ai d’abord découvert en tant que bassiste dans Trust, et déjà je le trouvais extraordinaire.  Mais lorsque je l’ai vu jouer de la guitare, j’ai été soufflé.

Compte tenu de la jeunesse de vos nouvelles recrues, est-ce que Vivi et toi vous positionnez en tant que mentors ?
Notre expérience nous pousse à jouer ce rôle-là, mais ce n’est pas le but premier. Nous voulons avant tout que chaque membre se sente bien. Nous restons donc à l’écoute de toutes les idées et comptons réaliser le prochain album ensemble.

Ces musiciens ont-ils aussi la capacité de t’enseigner quelque chose ?
Evidemment ! D’ailleurs, en tant qu’autodidacte, je fonctionne et évolue en regardant autour de moi. Je continue entre autre à m’inspirer de jeunes batteurs qui abordent l’instrument avec une facilité et un naturel déconcertants. J’ai tendance à me compliquer la vie pour aborder certains plans. Le fait de casser mes automatismes, en observant la nouvelle génération, me donne parfois les clés pour arriver à mes fins.

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Tu as plus que jamais ce son de caisse claire typique des années 80, explosif, sans fioritures, obtenu par « noise gates ». Pourquoi ce choix ?
Ce que tu dis me fait plaisir, car ce son me caractérise. C’est ma signature. Dans le cadre de Buzz, je vois mal où je pourrais placer des ghost notes. La rythmique doit rester droite, et toute tentative de fioriture ne ferait que polluer la musique.

Quel est l’avantage de poser ton tom médium sur un pied de caisse claire, comme dans les sixties ?
Cela me permet de le placer au plus bas, à peine 2 cm  au-dessus de la caisse claire, et complètement à plat…

Ta configuration a bien évolué depuis les années 80, où tu jouais sur des toms hauts et très inclinés…
J’ai regardé récemment des photos de mon premier groupe, TNT, avec cette double turbo Capelle, et cette flopée de toms. Je ne sais pas vraiment comment tout cela a évolué. Peut-être me suis-je assagi ? Avec Buzz, je n’ai que le strict nécessaire, ayant même décidé de ne jouer qu’en simple grosse caisse. Par contre, j’ai toujours autant de cymbales, toutes positionnées sur des pieds droits et parallèles au sol, comme des soucoupes volantes. Je trouve cela plus esthétique. Le look de l’instrument est très important. Lorsque je vais voir un concert, je m’attarde en premier sur le set de batterie, sa symétrie… Je considère la batterie comme une œuvre d’art. C’est pourquoi lorsque je monte mon kit, je passe du temps à le regarder et le fignoler, en tentant de me mettre à la place du public.

Comment t’es-tu entraîné à jongler avec les baguettes sans perdre le tempo ?
Je ne me suis jamais entraîné à cela. C’est un artifice qui doit venir naturellement et être utilisé au moment opportun. Il ne faut surtout pas en abuser.

Quelles sont les principales difficultés rencontrées au cours de ta carrière en tant que batteur gaucher ?
Je n’ai pas rencontré de problèmes particuliers, à part lorsqu’on me demande de taper le bœuf. C’est encore arrivé l’an dernier avec le groupe Koritni sur Antisocial. Dans ce cas, je ne fais pas le difficile, car ce ne serait pas correct vis-à-vis du propriétaire du kit. Je m’adapte simplement en bloquant le charley et en jouant en décroisé. Je ne dis pas que je tiendrais ainsi pendant tout un concert, mais s’il s’agit de garder le rythme sans trop de fioritures, je m’en sors.

N’as-tu jamais tenté dès le départ de jouer sur un kit de droitier ?
C’est très étrange, car j’écris de la main droite, mais dès que je me suis installé devant un kit, je me suis senti mieux à gauche. Suis-je un gaucher contrarié ? Je ne m’en souviens pas. En revanche, je peux dire que lorsque j’ai commencé, Ian Paice était ma référence ultime, et en tant qu’autodidacte, j’ai suivi sa configuration, n’ayant personne pour me conseiller.

Que s’est-il passé avec Handful Of Dust ?
Musicalement, le groupe était au top, mais nous avons de nouveau été rattrapés par des problèmes humains. Je considère que l’ego est le plus grand ennemi de l’homme. Notre chanteur était de plus en plus difficile à gérer et très négatif. Si je fais de la musique, c’est pour travailler dans la bonne humeur, sinon il y a longtemps que je serais entré dans une boîte avec un chef au-dessus de moi. Je ne suis toujours pas blasé, réalisant la chance que j’ai de monter sur scène et d’être acclamé, et je ne tiens pas à ce que quelqu’un me gâche ce plaisir.  •

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