MARTIN “MARTHUS” ŠKAROUPKA / CRADLE OF FILTH

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Martin “Marthus” Škaroupka /
Cradle Of Filth

Filthy Drummer
Les black metalleux de Cradle Of Filth sont de grands habitués de la valse des batteurs.
Mais il semblerait qu’ils aient trouvé en Marthus le partenaire idéal, à la fois groovy,
rapide, puissant, avec une tenue imparable du tempo, et en prime des qualités de multi-instrumentiste et de compositeur. Séquence découverte…

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Marthus, comment as-tu commencé la musique ?
Je viens d’un milieu familial propice, mon père étant chanteur et guitariste. Mon premier instrument fut le piano, dès l’âge de six ans. Mais aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être un batteur. Le problème est qu’en Tchécoslovaquie, sous le régime communiste, il était très difficile de mettre la main sur un professeur de batterie. J’ai donc continué mes cours de piano, tout en apprenant la batterie en autodidacte, en écoutant des cassettes et vinyles pirates circulant via le marché noir. De plus, mes voisins avaient la télévision par satellite, et tous les dimanches, j’enregistrais en VHS Headbanger’s Ball sur MTV. La programmation de cette émission a été une grande influence pour moi.

Ton premier groupe international fut celui de Jeff Mantas en 2004 (ndlr : ex-guitariste de Venom). Quel souvenir gardes-tu de votre collaboration ?
Ah ! Je n’en garde que d’excellents souvenirs. Je venais à peine de m’installer en Angleterre et je cherchais activement un groupe. Jeff m’a trouvé grâce à une petite annonce que j’avais passée dans Metal Hammer. Il m’a simplement envoyé un CD, j’ai appris ses chansons en deux jours, j’ai pris le train de Londres à Newcastle, et dès la première répétition tout a collé. Certes ce n’était pas un très grand groupe, mais il m’a permis de faire ma première tournée des festivals et de donner mon tout premier show au Japon en 2005. Jeff est vraiment un très chic type. Alors que je n’avais nulle part où crécher, il m’a hébergé, le temps que je trouve un job.

N’était-ce pas un peu risqué de débarquer en Angleterre sans rien dans les poches ?
Peut-être, mais je m’y étais préparé, en apprenant à maîtriser l’anglais, déterminé à me faire une place dans la musique.

En 2006, tu entres en contact avec Cradle Of Filth et tu deviens finalement leur batteur. Comment s’est passée ton audition ?
Je connaissais des musiciens qui les côtoyaient (un détail que j’ignorais à l’époque). Un jour, j’ai reçu un mail incognito du management du groupe, me demandant si j’étais intéressé pour travailler sur certains titres et me rendre à une répétition. Mais je n’ai pas été dupe longtemps, car dès que j’ai écouté la musique, je les ai reconnus. Cela dit, j’étais choqué par ce qu’il m’arrivait. Je n’arrivais pas à croire qu’une telle légende s’intéresse à moi. J’ai été d’autant plus surpris que je ne savais pas qu’Adrian Erlandsson les avait quittés. Dès le lendemain de l’audition, ils m’ont annoncé mon engagement. J’étais confiant, car j’ai grandi avec leurs disques. En tant que fan de la première heure, je savais exactement ce qu’ils attendaient de moi.

Comment se sont passées les sessions d’enregistrement du nouvel album, “Hammer Of The Witches”?
Je n’ai ressenti aucune difficulté particulière. Il me faut en moyenne trois heures pour mettre en boîte un titre. La plupart du temps, j’essaye de jouer chaque morceau dans son intégralité, en one shot. Puis j’écoute consciencieusement la prise, et je décide des parties à refaire.

Je ne me considère pas comme un batteur de metal extrême. Je n’ai pas du tout cet état d’esprit consistant à repousser sans cesse mes limites en terme de vitesse. Mon guide est le feeling et le groove. Ce n’est pas un sport mais de la musique, dont le but principal est de divertir !

Depuis 2012, tu t’occupes également des claviers et des arrangements. N’est-ce pas une trop grande pression compte tenu de l’importance des orchestrations ?
C’est un énorme travail, mais je suis de taille ! Si je ne m’étais pas senti capable, je ne l’aurais pas fait. Habituellement, je reçois les démos de travail en version guitare, les claviers ne se greffant que dans un second temps. Lorsque je travaillais avec Paul (Allender, ex-guitariste parti en 2014), je devais me conformer à sa vision. Mais cette fois, j’ai ressenti une plus grande liberté car j’ai proposé à l’équipe des titres entièrement composés. Il fut un temps où l’écriture était le domaine privé de deux personnes, mais plus nous avançons, et plus le groupe se démocratise.

As-tu été surpris par le départ de Paul ?
Je savais qu’il voulait faire un break et rester avec sa famille le temps d’une tournée, mais jamais je n’aurais crû qu’il nous quitterait définitivement. C’est son choix et il n’y a rien que nous ne puissions faire.

La batterie extrême requiert toujours un compromis entre l’usage du son naturel et des triggers. Comment doses-tu les deux ?
A la base je déteste les triggers, mais je suis contraint de les utiliser pour la grosse caisse en live. L’acoustique des salles change énormément d’une date à l’autre. De plus, je joue sur deux grosses caisses différentes, ce qui complique le travail de l’ingénieur du son. C’est pourquoi nous combinons le son naturel du fût avec les triggers, ce qui assure une certaine reproductibilité du son, tout en gardant une dimension acoustique. J’ai aussi réglé mon module avec une sensibilité proportionnelle à la frappe. C’est la meilleure formule que j’aie pu trouver.

Est-ce que ton jeu en double grosse caisse dépend de la pédale utilisée ?
Pas vraiment… Bien sûr, tous les modèles ne sont pas adaptés au jeu extrême, mais les pédales de dernière génération se valent à peu près toutes. Ma pédale préférée est la Pearl Eliminator Demon Drive, avec système direct drive.

Et qu’en est-il du reste du set ?
Je joue sur une Pearl Reference équipée de toms de 8, 10, 12, 14 et 16 pouces. Ma caisse claire est aussi une Reference en bois. Je l’ai avec moi depuis dix ans. Mes cymbales sont des Sabian de type AAX et HH. Je voudrais aussi mentionner les accessoires Serial Drummer, la marque de Franky Costanza de Dagoba.
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Utilises-tu beaucoup les rudiments dans Cradle Of Filth ?
Lorsqu’il s’agit de blast beats, les doigtés restent en droite/gauche. Mais pour le reste, j’use largement de  paradiddles, surtout depuis que mon kit est doté de deux rides, à l’instar de Gene Hoglan.

Tu as également été appelé par Roland Grapow pour jouer sur le dernier album de Masterplan, “Novum Initium”. Abordes-tu ce type de metal progressif de la même façon que Cradle Of Filth ?
Non, le travail est totalement différent, car Roland n’est pas que guitariste, il est aussi producteur, et sait exactement ce qu’il veut. Dans Cradle, je suis entouré de toute une équipe en plus du producteur, alors que dans Masterplan, tout se passe entre Roland et moi.

Comme tout producteur de metal allemand, Roland a une approche très stricte du rythme, n’acceptant aucune erreur humaine, aussi minime soit-elle. Comment perçois-tu cette approche ?
Je n’ai pas eu à subir ce type de pression, probablement parce qu’il est satisfait de mon timing. Mais il est vrai qu’il ne fait pas de cadeaux dès qu’il s’agit de tenir le tempo, et beaucoup de batteurs qui sont passés par son studio en ont bavé.

T’est-il déjà arrivé de te blesser en jouant ?
Oui, au visage ! Il y a quelques années, une baguette s’est brisée alors que je jouais, et un éclat s’est directement logé dans l’œil gauche. Et le pire, c’est que je devais continuer de jouer. La nuit dernière, un éclat de baguette m’a blessé la lèvre ! Cela peut sembler incroyable,  mais je suis un batteur qui frappe très fort, et je casse de cinq à six baguettes par concert.

N’as-tu jamais pensé à jouer avec des baguettes incassables en carbone, comme Lars Ulrich ?
Nan ! Je suis trop old school pour ça (rires !).

Ne ressens-tu aucune douleur au niveau des bras ou des jambes ?
Si bien sûr, surtout en fin de tournée, mais je dois avouer que j’aime ressentir ces douleurs musculaires, car elles sont le signe que je me suis donné à 100 %. Cela dit, je fais très attention aux mauvaises douleurs, celles qui touchent les articulations.

Peux-tu décrire une journée typique sur la route ?
Je me réveille habituellement un peu avant 9h. N’ayant pas de drumtech, je m’occupe moi-même de la  maintenance et de l’installation du kit, ainsi que des balances. Comme tu le vois, je ne m’ennuie jamais. Deux heures avant le show, je prends le temps de me relaxer, de me mettre en tenue et de m’échauffer. Une fois le show fini, je range le kit dans les flight cases et je vais au lit ! Je suis le seul gars de l’équipe à me coucher tout de suite après le concert et à me lever tôt (rires).

Cradle, c’est aussi tout un univers horrifique et un look exubérant. Adhères-tu à cet état d’esprit ?
Oui totalement, car mon idole de toujours est King Diamond. Ses deux premiers albums, “Fatal Portrait” et “Abigail” ont tourné des milliers de fois sur ma platine.

T’es-tu déjà posé la question : « Jusqu’à quand je vais pouvoir jouer ce type de drumming » ?
Je ne saurais répondre à cette question car je ne me considère pas comme un batteur de metal extrême. Je n’ai pas du tout cet état d’esprit consistant à repousser sans cesse mes limites en terme de vitesse. Mon guide est le feeling et le groove. Ce n’est pas un sport mais de la musique, dont le but principal est de divertir ! •

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