MICHAEL MILEY / RIVAL SONS

Michael Miley / Rival Sons

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Modern Vintage

Michael Miley et Rival Sons ont toutes les cartes en jeu pour ravir les adèptes des seventies, par leur capacité à naviguer dans les sphères old school (Cream, Led Zeppelin, Hendrix…) sans pour autant paraître rétrogrades. Notre batteur, à l’image de son groupe, sonne simplement « vrai ». Alors pour tous ceux qui restent hermétiques au rock peauffiné à l’extrême et noyé par les effets, suivez le guide…

Peux-tu raconter tes débuts ?
Mon père était guitariste et passionné de Clapton (que se soit avec Cream ou non), Steely Dan, Toto, Phil Collins, Jackson Browne, The Eagles… La musique a toujours fait partie de mon environnement et mon père a joué un rôle primordial dans mon apprentissage. Je me souviens avoir été marqué par le titre « Hold The Line » de Toto et par The Wall des Pink Floyd. Dès l’âge de quatre ans, voyant mon intérêt pour la musique, il m’a inculqué les premières notions de rythme ; et c’est ainsi que j’ai réalisé mon tout premier beat, celui de « Billie Jean » de Michael Jackson. Il me disait de bien l’assimiler car il me servirait de base pour appréhender n’importe quel autre morceau. Dès l’âge de seize ans, je décide de quitter le football (ma seconde passion), pour ne consacrer mon temps libre qu’à la batterie. J’ai fait mes premières armes dans des formations de jazz et la fanfare de mon lycée. Après avoir obtenu mon diplôme universitaire avec en prime un prix de percussions, je décide de déménager à Hollywood dans le but de faire de la batterie mon métier. C’est là que j’ai rencontré le guitariste Scott Holiday avec qui j’ai formé Rival Sons.

Tu fais partie des rares batteurs de rock sonnant encore « vrai ». Avec toi, il n’y a jamais d’effets artificiels. Que penses-tu de l’invasion de l’électronique ?
Je n’aime pas du tout les boîtes à rythme, mais si j’avais à jouer avec des groupes comme Portishead ou Massive Attack, je n’aurais aucun état d’âme à me munir de triggers. En revanche, pour ce qui est du rock et du metal, mes références restent Black Sabbath et les premiers Metallica. J’aime le son réel de la batterie, ce qui joue plutôt en ma faveur, Rival Sons étant très attaché au côté naturel des instruments, passant énormément de temps à rechercher les bonnes tonalités et accordages. Si un jour je me ramenais avec des triggers, ils me vireraient illico (Rires !). Sérieusement, passer un temps fou à accorder et bien faire sonner un kit acoustique, c’est mon dada. Je n’ai pas du tout envie de changer cela.

Tu sembles aussi totalement réticent au fait de mater les peaux…
Absolument ! J’aime les accordages très hauts (avec une grande tension des peaux), sur des fûts de gros diamètre, sans aucun muffle, à l’instar de John Bonham.

Pourquoi te contenter d’une « quatre fûts » ? Est-ce dû à ton background jazz ?
A la base, il s’agit plus de paresse (Rires !). Mais au fond, c’est la configuration de base sur laquelle j’ai étudié pendant des années, et je considère que dans ce contexte « rock », je n’ai pas besoin de plus pour exprimer ce que j’ai en tête. Regarde Mitch Mitchell, il pouvait exprimer tant de choses sur une simple « quatre fûts ». Je veux aussi préciser que mon vocabulaire rythmique n’intègre pas les longues descentes de toms. J’adore Nicko McBrain, Neil Peart et Phil Collins. Leurs disques on clairement bercé mon enfance, mais ce n’est pas ce que j’aime jouer.

Une autre spécificité de ton jeu et l’usage intense du charley au pied, alors que la plupart des batteurs de rock se contentent du jeu à la main sur des cymbales très lâches…
Je suis content que tu ais remarqué cet aspect, directement lié à mon passé dans le jazz. J’ai toujours en tête Tony Williams, qui guidait tous ses rythmes avec le pied gauche. A titre personnel, j’ai adopté cette technique afin de développer mon timing interne, un peu comme si la grosse caisse était un instrument mélodique guidé par le charley. Je suis pour ainsi dire un batteur de jazz et de funk jouant du rock.

Les ghost notes font partie intégrante de ton jeu. Tous ces petits coups sur la caisse claire sont-ils calculés ?
Non ! Je dirais même plus, je ne joue jamais deux fois le même beat, mon jeu étant en interaction permanente avec mon environnement. Cela dit, pour se permettre d’improviser au niveau des ghost notes, il m’a fallu passer par une très longue phase d’entraînement. J’ai tant écouté les maîtres en la matière, Jeff Porcaro, Bernard Purdie, Clyde Stubblefield, John Bonham, et les batteurs de Steely Dan ! Ce type de vocabulaire est naturel pour moi, mais j’ai dû l’acquérir. C’est exactement le même principe que la maîtrise d’une langue.

Quelle est ta définition du groove ?
Je dirais que le groove est le mouvement insufflé par la musique et menant à la danse. C’est une notion ancestrale, déjà présente dans les percussions africaines, et liée à la manière dont le corps humain réagit au rythme. Les moyens d’y arriver sont la solidité du tempo, l’écoute des autres instruments, l’accentuation, la posture, la manière de se mouvoir sur le siège…

Rival Sons se produit souvent sur des plateaux TV. Te sens-tu à l’aise dans ce contexte ?
Oui car avant de former Rival Sons, j’ai joué dans le groupe du « Late-Night show » pendant cinq ans. Cet environnement m’est très familier. Cela dit, je ressens toujours une pression dès qu’il s’agit de mon propre groupe car dans ce cas, les caméras sont braquées sur moi, et tout le monde m’analyse à la loupe, contrairement au batteur d’un plateau TV dont personne ne fait attention. Peut-être que j’ai tort de me mettre la pression, mais c’est plus fort que moi. A la TV, on n’a aucun droit à l’erreur, et même la perte d’une baguette est à proscrire.

T’est-il déjà arrivé d’avoir à jouer sur une bande en playback ?
Non, et Dieu merci, car si on me le demandait, je devrais refuser. Je n’imagine pas un instant jouer dans les conditions de « Top Of The Pops » (Ndlr : L’une des plus fameuses émissions de pop/rock anglaise réputée pour ne faire jouer les groupes qu’en playback, Iron Maiden étant l’un des rares à avoir pu obtenir le droit se produire en live).

Vous venez de Long Beach, célèbre banlieue de Los Angeles, pour son Arena et ses concerts mythiques. Rival Sons s’est-il déjà produit dans ce lieu !
Scream for me Long Beach !!! (Ndlr : Mythique phrase du chanteur d’Iron Maiden Bruce Dickinson haranguant la foule sur le Live After Death, enregistré justement au Long Beach Arena en 1985). Aaaahh… Malheureusement, nous ne nous sommes jamais produits dans ce lieu, mais j’adorerais. Ce serait un rêve. Mais… attends un peu… des souvenirs me reviennent. J’y ai joué avec l’orchestre de mon lycée, mais cela ne compte pas. Si un jour on me propose de m’y produire avec un groupe de rock, je signe tout de suite !

En 2014, le groupe a officiellement accueilli le claviériste Todd Ögren-Brooks. Quelle en est la raison ?
Nous avons désormais pas mal de chansons présentant des parties de piano, surtout sur notre dernier album
Great Wester Walkyrie. Todd est de plus un vocaliste hors pair assurant de super chœurs, et un guitariste accompli, doublant nos riffs pour un rendu plus massif. Il s’est très vite imposé à nous comme une nécessité.

Il semblerait que certains titres comme  « Where I’ve Been » soit à géométrie variable, parfois joué dans la pure tradition du jazz avec des balais, et parfois de manière « rock »…
Tu
as raison. Ce n’est pas parce qu’une chanson a été immortalisée en studio qu’elle doit rester figée. L’intégralité de ce que je joue est potentiellement amenée à évoluer au fil des concerts. « Where I’ve Been » est un bon exemple, car tout en conservant la métrique en 6/8, je l’ai considérablement fait évoluer. Cette approche n’est pas nouvelle, Mitch Mitchell, Ginger Baker, John Bonham, Keith Moon et bien d’autres ayant déjà tracé le chemin. Je suis né un 23 août, le même jour que Keith, c’est un signe (Rires !). J’ai tout comme mes idoles cette approche primaire et viscérale de la batterie. J’aime que mes rythmes vivent. Tout se fait donc en fonction du feeling du moment. Qui a dit que la musique devait être rigide ?

Lorsque tu te produis dans un grand festival, frappes-tu plus fort ?
Probablement… Il m’arrive d’avoir très mal aux bras les lendemains de festivals. Contrairement aux salles fermées, les shows en open air diffusent le son à l’infini sans feed back. Il suffit que mes moniteurs soient mal réglés pour que je me mette à taper plus fort. Si j’avais la même qualité de retours tous les jours, il n’en serait pas ainsi, mais c’est la vie…

T’es-tu déjà blessé en jouant ?
Je suis très sensible à ce sujet. J’ai même écrit des articles dans Modern Drummer sur la nécessité de bien s’échauffer. Il m’est arrivé me blesser sérieusement à l’épaule à cause du manque d’échauffement. Depuis ce jour, je me suis juré de ne plus monter sur scène à froid. Je m’entretiens en m’échauffant pendant une heure avant chaque show, à l’aide de bandes de musculation et de rudiments pratiqués sur une batterie muette installée en loge. En tournée, je ne pars jamais sans ma bible, l’ouvrage de Gary Chester dédié à l’échauffement. Je pratique aussi le yoga, le footing, le tai chi, la corde à sauter et la boxe. Garder le corps en bonne forme est indispensable compte tenu de mon jeu. Cela dit je ne suis pas à l’abri. J’ai été récemment sujet à des violentes douleurs dans les deux poignets, ce qui m’a poussé à reprendre des leçons afin de corriger ma position. J’ai toujours été attiré par la technique, mais à partir du moment où les tournées se sont intensifiées, j’ai laissé à tort cet aspect de côté. Il était bon que je me recadre. J’insiste sur la nécessité de s’entraîner tous les jours, car la vitesse et l’endurance ne sont jamais acquises ; or nos shows en club durent près de deux heures, ce qui est physiquement éprouvant. Posséder une bonne technique permet de ne pas s’épuiser au bout de trois morceaux.

Travailles-tu autant à la maison ?
Je continue le sport, mais je cesse complètement de jouer, devant assurer mon rôle de père.

Après tant d’années à jouer, t’est-il arrivé de rejeter l’instrument ?
Lorsque je regarde la liste des dates de tournées s’étendant de jour en jour, je ressens une énorme joie car j’ai la chance de vivre de ma passion. Mais il m’arrive de me faire violence pour continuer à m’entraîner. C’est pourquoi je n’hésite pas régulièrement à reprendre des cours. Devoir présenter des exercices à son professeur est un très bon moyen de retrouver sa motivation. Par contre, si au bout de deux minutes, l’envie n’est toujours pas là, il ne sert à rien d’insister. Mieux vaut alors lâcher du leste, appeler sa copine ou boire une bière (rires).

Rival Sons est actuellement en tournée avec Deep Purple. Quel effet cela fait-il de jouer que la même scène qu’eux ?
Ian Paice est une légende mais surtout une personne super gentille. Aujourd’hui (Ndlr : 11 novembre, jour du concert parisien au Zénith), il est venu me voir après le sound check pour me demander des renseignements sur mon charley. Deep Purple est un groupe de chouettes gars, très terre à terre, qui ne se sont jamais laissés envahir par des problèmes d’ego ; et c’est sans compter leur équipe de roadies qui a toujours été cool avec nous. Nous avons aussi de très bons contacts avec Judas Priest, Kiss, AC/DC, Evanescence, Lenny Kravitz, Sammy Hagar… En règle général, lorsque tu as affaire à des superstars qui n’ont plus rien à prouver, l’ambiance est toujours au beau fixe. Franchement, je n’ai vraiment pas à me plaindre.

Peux-tu décrire ton équipement ?
Je joue sur une « Gretsch USA Custom » avec des toms de 14, 16, et une grosse caisse de 26. Ma caisse claire a été customisée par la marque. C’est une « 6,5×14 » en aluminium, sans aucune couche de bois. Les peaux sont des « Aquarian » que j’utilise depuis une douzaine d’années. Mes cymbales sont des Paiste 2002. A ce propos, Paiste et moi-même préparons le lancement d’une nouvelle série pour le courant 2016. Ce n’est pas un modèle signature, mais je suis chargé d’en faire la promotion. Mon set actuel est d’ailleurs équipé par des prototypes que j’ai récupérés récemment à leur usine de Zurich.

Peux-tu donner le nom de cette nouvelle gamme ?
Non pas pour le moment. Vous les reconnaîtrez à leur logo noir. Ce que je peux dire, c’est qu’il s’agit bien de l’alliage des 2002, mais avec une épaisseur plus fine et usinées différemment. Leur résonance s’estompe plus facilement que les 2002 classiques, ce qui en fait les cymbales idéales pour le live, n’empiétant pas sur le mix au travers des micros. Notre scène est équipée d’un très grand nombre de micros. C’est pourquoi ce type de cymbale peut être un vrai atout.

En quelles dimensions seront-elles disponibles ?
Il y aura des crashes de 18 et 20, et une ride de 22. Je tiens aussi à mentionner mon charley que vous ne trouverez malheureusement pas dans le commerce, de type « Sound Edge » et de diamètre 17 !

N’est-ce pas un peu too much ?
Non ! Cela faisait des années que j’en demandais un à Paiste, ne devant me contenter que d’un 15 pouces. Il n’en existe qu’un au monde et c’est moi qui l’ais ! Je comprends que l’on puisse avoir peur de la surpuissance d’un tel modèle, mais cela s’inscrit dans mon développement naturel, en tant que musicien jouant sur des instruments organiques. Grâce à ce charley, j’ai pu développer mon sens des nuances, modérer ma frappe et accéder à de nouvelles gammes de sons. •