Mon Batteur et Moi

Robby Thomas Walsh / Ian Paice With Pur.Pendicular

Par Laurent Bendahan

Robby Walsh peut se targuer de partager la scène avec Ian Paice depuis plus de dix ans. Nous avons profité du passage de Pur.Pendicular à Courbevoie le 17 novembre dernier pour nous entretenir avec le chanteur, qui n’a que de bonnes choses à dire sur le légendaire batteur de Deep Purple…

Te souviens-tu de ta première rencontre avec Ian ?

Oui c’était en 1996 à Dublin au théâtre Apollo après un concert de Pur.pendicular, qui était à l’époque un simple « tribute band » à Deep Purple. Il est venu à ma rencontre en disant : « La prochaine fois qu’on se voit, on joue ensemble ! » Ce jour est arrivé en 2003 à Vienne et tout s’est bien passé. Depuis lors, cette collaboration n’a cessé de se développer. Il s’agit d’une relation gagnant-gagnant puisque l’intégration d’Ian à notre line-up nous a permis une exposition plus massive ; quant à Ian, il peut s’entretenir physiquement entre deux tournées de Purple.

Comprends-tu son état d’esprit consistant à ne jamais s’arrêter de jouer ?

Bien sûr ! Durant une pause prolongée, tout musicien perd au moins 10% de ses capacités, à commencer par la perte musculaire, à l’instar d’un joueur de football devant sans cesse maintenir son activité physique pour rester au top. J’ai souvent entendu des ragots comme quoi Ian ferait cela pour l’argent. Ce sont des inepties ! Son but est bel et bien de rester en forme.

Il est clair qu’il n’y a rien de mieux que le live pour s’entretenir…

Oui, les répétitions sont utiles, certes, mais elles ne génèrent aucune adrénaline. Jouer devant un public change complètement la donne car cela exige beaucoup plus de discipline et de concentration.

Ian a-t-il choisi Pur.Pendicular pour la qualité de l’interprétation du répertoire de Deep Purple ?

Je crois surtout qu’il a aimé le fait que nous ayons choisi de ne pas singer Deep Purple. Les autres « tribute bands » vont jusqu’à reproduire chaque chanson à la note près et adopter les mêmes vêtements. Dans Pur.Pendicular, nous sommes avant tout nous-mêmes. Je pense qu’à nos âges, il aurait été embarrassant de copier Purple à ce point. Nous passerions pour des guignols. 

À la base, pourquoi avoir choisi de monter ce groupe hommage ?

Au départ, nous ne jouions que des compos originales.  Mais cette activité ne nous rapportait pas un rond. Nous avons donc décidé de monter parallèlement un « tribute band ». Pourquoi Deep Purple ? Tout simplement parce que sa musique laisse beaucoup d’espace pour s’exprimer et donc rester soi-même, tout comme dans un groupe jouant ses propres chansons. Avec le recul, nous avons choisi la bonne voie puisque nous prenons énormément de plaisir à jouer et le public répond présent à chacun de nos concerts.

Pourquoi ne pas avoir choisi de faire un tribute à Led Zeppelin, qui procure autant de liberté d’improvisation ?

Nous y avons pensé bien sûr mais avons abandonné l’idée car Led Zep sonne plus folk que Purple, ce qui n’aurait pas convenu à notre claviériste.

Finalement, Pur.Pendicular s’est construit une vraie carrière. Votre parcours est loin d’être anecdotique…

Oui et je te prie de croire que cela ne s’est pas fait facilement. Ce que nous sommes aujourd’hui ne s’est pas construit en une nuit. Nous avons beaucoup travaillé, tant d’un point de vue musical qu’au niveau du business. Il en a fallu des coups de fils pour convaincre les promoteurs et les labels du bienfondé de notre démarche. Pas mal de jeunes musiciens s’imaginent qu’ils peuvent tout recevoir sur un plateau. J’ignore si c’est possible mais, en ce qui nous concerne, tout n’a été que batailles sans relâche !

 

Pur.pendicular a-t-il un batteur autre qu’Ian, lorsque ce dernier part en tournée avec Purple ?

C’était le cas au début mais, aujourd’hui, il est notre seul et unique batteur. Avant lui, nous ne jouions que six concerts par an. Depuis que nous collaborons, nous sommes passés à quinze puis vingt, puis quarante dates par an. La situation nous convient parfaitement. Nous n’avons pas besoin de développer une activité parallèle. Cela dit en 2023, Ian sera occupé à 100% avec Deep Purple. Durant cette période, nous allons probablement recruter un batteur pour promouvoir notre nouvel album Human Mechanic.

Que peux-tu dire de ce nouveau disque ?

Ian possède son propre studio. Il a enregistré l’album chez lui, en Angleterre. Ce n’est pas la première fois qu’il joue sur l’un de nos albums. Il est souvent apparu en tant qu’invité spécial mais c’est la première fois qu’il joue l’intégralité des morceaux.

 

Quelle était l’idée de base de l’album ? Jouer dans la veine de Deep Purple ?

Non car nous ne raisonnons pas de la sorte. Notre manière d’écrire est naturelle et certainement pas ciblée sur un style. Nos influences vont bien au-delà de Purple. Nous aimons le blues, Van Halen, Abba, le disco et le funk dans le style de Chic. Notre principe d’écriture est simple. Si une idée sonne bien, nous l’exploitons. Bon nombre de morceaux ont d’ailleurs été créés en jammant durant les balances. Et dès que nous en avions l’occasion, nous maquettions la musique.

Comment le groupe prépare-t-il ses tournées ?

Pour tout te dire, nous n’avons jamais répété avec Ian. Tout s’est toujours mis en place grâce au travail de chacun. Nous sommes professionnels et avons l’habitude de bosser sans filet avec de grands artistes. Cela ne nous met pas à l’abri des erreurs, surtout en début de tournée. Mais nous nous fichons de nous planter sur scène. Nous nous en amusons même. Nous sommes humains. Ce qui importe est le feeling et l’énergie que nous dégageons ensemble. Bon, je ne dis pas qu’il ne faut pas se préparer à une tournée, mais abuser des répétitions n’a jamais été bon car c’est le meilleur moyen de consumer son énergie. Notre truc, c’est de jammer, prendre des risques, tenter de nouvelles choses durant les balances afin de les tester le soir même. Et avant l’entrée en scène, nous ne parlons jamais de musique, préférant disserter sur le football, la bière et les femmes (rires).

 

Comment décrirais-tu le jeu d’Ian ?

Il est unique au monde. Ian vient d’une époque imprégnée de jazz, de big bands et de swing, avec comme modèles Gene Krupa et Buddy Rich. Il faut ajouter à cela cette frappe heavy venant du fait qu’à ses débuts, il n’était pas sonorisé et devait donc se battre contre le mur du son des guitares. Je ne me reconnais pas dans le jeu des jeunes batteurs, dont le rendu est trop lisse, trop parfait. Je n’aime pas leur tendance à se concentrer sur la perfection au détriment de l’aspect humain. Lorsque j’entends des plans techniques de double grosse caisse à base de triples croches, je ne ressens absolument rien ! J’aime les batteurs qui ont du caractère, que l’on reconnait dès la première écoute, à l’instar de John Bonham et Ginger Baker. Lorsqu’on écoute leurs enregistrements, on ressent l’atmosphère de la salle d’enregistrement, on ressent une vibration, contrairement à toutes ces productions numériques que l’on nous sert aujourd’hui. Ian fait partie de ces géants qui possèdent une vraie personnalité et dotés d’un tempérament de leader.

Quel est le type de rythme que tu apprécies le plus chez lui ?

Je pense spontanément à son « half time shuffle » qu’il interprète avec un swing d’enfer et une saveur funky. Il est un maitre en la matière ! Chaque soir, lorsque nous jouons « Black Night », je suis aux anges. J’aime aussi sa manière de conduire le rythme en général. Il le fait toujours de manière fluide, jamais en force.

En tant que chanteur, te bases-tu sur le « beat » de grosse caisse ou sur la caisse claire ?

Tout dépend de la chanson. Disons que j’ai une approche plus globale, choisissant de suivre le tempo et le groove générés par la batterie et la basse.

Il y a ce morceau, « Burn », dont le couplet est un long roulement sans véritable repère. Comment gères-tu ce type de passage ?

Je ne me prends pas la tête, ayant choisi de chanter conformément à l’original. Je m’en sors sans problème, même si ma diction est quelque peu différente car nous le reprenons plus rapidement que la version studio.

Considères-tu Ian Gillan comme ton mentor ?

Pas particulièrement. Je suis influencé par bien des musiciens. J’aime Gillan, bien sûr, mais je dois tout autant à Robert Plant, Freddy Mercury, Muddy Waters et Paul Rodgers.

Le gros avantage de voir Pur.Pendicular sur scène est de bénéficier de chansons que Gillan ne peut plus chanter…

Tu sais, j’ai le plus profond respect pour lui car c’est un musicien intelligent qui chante en fonction de ses capacités actuelles. Il ne cherche en aucun cas à reproduire ce qu’il faisait à l’âge de vingt ans. De toute façon, on ne peut demander à un chanteur ce type de prouesse, de la même manière qu’on ne peut demander à un athlète de retrouver ses performances d’il y a quarante ans.

Y-a-t-il des morceaux de Purple qu’Ian refuse de jouer ?

Dans l’absolu, il est ouvert à tout. Mais il nous est arrivé de nous pencher sur des chansons obscures qu’il nous a fallu écarter, Ian ne les ayant pas jouées depuis leur enregistrement en studio. Nous prenons pour principe de ne garder que des morceaux avec lesquels nous nous sentons en confiance. Et puis, en 1h30, entre les classiques de Purple et nos propres chansons, nous n’avons guère de place pour le reste.

Lorsque tu dois reprendre un classique, préfères-tu travailler à partir de bandes live ou de la version studio ?

Je m’inspire des deux, sans jamais perdre de vue que c’est moi qui chante. J’agis donc à ma façon.

Quels est ton « top 3 » parmi les albums de Deep Purple ?

J’adore le live Scandinavian Nights (enregistré à Stockholm en 1970). Ensuite je citerais In Rock (1970) que mon père m’avait offert, ainsi que Stormbringer (1974) qui voit le style de Ritchie Blackmore exploser à la face du monde. Lui aussi a influencé bon nombre de musiciens. À l’époque, tout le monde ne pensait qu’à une chose, le copier !         

Parmi les trois chanteurs ayant officié dans Deep Purple, Ian Gillan, David Coverdale et Joe Lynn Turner, vers qui ton cœur balance ?

J’ai déjà travaillé avec Joe il y a une douzaine d’années à l’occasion d’un concert en Russie. C’était vraiment cool, mais ma préférence va vers Coverdale. J’aime la voix de ses débuts qui était délicieusement bluesy. Je préfère donc sa performance dans Purple, bien que j’adore aussi Whitesnake.

Pourquoi n’y-a-t-il jamais de solo de batterie durant vos shows ?

C’est simple, nous voulons offrir au public un maximum de musique. Et puis Ian en a tant fait de solos dans le passé. Pur.Pendicular est l’occasion de sortir des sentiers battus.

Quels sont vos projets immédiats ?

Nous comptons tourner un maximum en 2023 pour promouvoir le nouvel album. En septembre/Octobre, nous ferons un break afin de nous remettre à l’écriture, notre maison de disque désirant battre le fer tant qu’il est chaud.

Pour finir, que dirais-tu aux lecteurs pour les convaincre de se rendre à un show d’Ian Paice et Pur.Pendicular ?

Si vous aimez le « classic rock » bien énergique, je vous conseille de venir nous voir. Nos concerts sont vivants car ils laissent une large place à l’improvisation. De plus, notre set list change tous les soirs. Comme je le dis souvent, le but de Pur.Pendicular est avant tout de vous distraire et de vous faire oublier vos soucis. Si nous y parvenons, le show est alors un succès.

La tournée française d’Ian Paice with Pur.pendicular continue jusqu’à fin novembre :

24/11 : Boisseuil (Espace Du Crouzy)    

25/11 : Rouillac (La Palene)         

26/11 : Riom (Rock the night)     

27/11 : Perpignan (Elmediaror)

N’hésitez pas à vous déplacer !

Pour tout renseignement, rendez-vous sur https://www.abocquier.com/ian-paice-purpendicular

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Crédit photos © Ueli Frey / Alain Boucly

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