Tobias Gustafsson
Marteleur de l’extrême

Tobias Gustafsson fait partie des batteurs indétrônables de la scène Death Metal suédoise. Batteur et compositeur du mythique Vomitory, dont la séparation a donné naissance à Cut Up, qui vient de sortir un deuxième album cette année, Tobias Gustafsson compte également à son palmarès le dernier album en date d’Amon Amarth, de nombreux concerts avec God Macabre et Nifelheim, ainsi que d’innombrables autres projets. Rencontre avec ce marteleur de l’extrême pour une entrevue placée sous le signe de l’humilité et de la simplicité.
Peux-tu commencer par nous dire comment tu as commencé à jouer de la batterie et quelles étaient tes influences à l’époque ?
J’ai commencé à jouer de la batterie en 1987 et c’est en Juin que j’ai eu mon premier kit, alors que je venais d’avoir 13 ans. J’ai toujours été très attiré par la batterie étant jeune et je me rappelle que quand je regardais des émissions à la télé, quand un groupe jouait, mon regard était automatiquement attiré par le batteur et la batterie. À cette époque, je prenais les aiguilles à tricoter de ma mère en guise de baguettes et je tapais sur tout ce qui traînait dans la maison, et je jouais aussi sur des albums. J’étais vraiment à fond dans la batterie : j’avais des catalogues des principaux distributeurs de batteries en Suède, que j’adorais feuilleter. C’était mon rêve d’en jouer, de faire partie d’un groupe, et j’ai donc pu m’offrir mon premier kit à 13 ans. C’était un kit fabriqué à Taïwan, sans marque, les fûts étaient faits d’une espèce de matière composite. J’avais une crash et un charley, et ce qui est drôle, c’est que ces cymbales étaient des Meinl, chez qui je suis désormais endorsé depuis 8 ans ! Concernant mes influences, je suis tombé dans le Hard Rock et le Heavy Metal très tôt, quand je devais avoir 7 ou 8 ans. C’est mon grand frère, Urban, qui était guitariste dans Vomitory, qui m’a fait découvrir ça. Lui et ses amis étaient à fond dans le Metal du début des 80’s, comme Saxon, Iron Maiden, Judas Priest ou Motörhead, et j’ai découvert ces groupes en écoutant ses disques. Je dirais que quand j’ai commencé la batterie, mes plus grandes sources d’inspiration étaient les groupes que j’écoutais à l’époque. Iron Maiden, que je considère comme le meilleur groupe de Metal au monde, a été une énorme influence, ainsi que Nicko McBrain, que j’aime toujours autant. Stefan Kaufmann (de Accept) également, Running Wild, Judas Priest bien sûr… Et à l’époque, je commençais progressivement à m’intéresser à des choses plus extrêmes. Metallica a toujours été mon groupe préféré dans le style, donc Lars Ulrich a été une influence majeure, sans oublier Dave Lombardo de Slayer bien évidemment. Et bien sûr, tous ces batteurs sont toujours mes idoles !
Tu étais le compositeur principal dans Vomitory. Est-ce toujours le cas dans Cut Up ?
Non, car dans Cut Up, j’ai décidé de me retirer un peu de la composition pour privilégier l’effort collectif. Andreas (guitariste/chanteur) est le compositeur principal, mais nous participons tous aux compositions, ce qui est vraiment cool je trouve.
Et est-ce que le fait d’être le compositeur principal influençait d’une certaine manière ta façon de jouer dans Vomitory ?
Absolument ! Encore aujourd’hui, quand je compose un titre, je commence souvent par une partie de batterie que j’ai en tête, avant même de savoir comment jouer ce morceau à la guitare. Bien souvent, ça part comme ça, ou même d’une mise en place courte à la batterie, dont va découler le reste du morceau. Par exemple, pour le titre Serpents de Vomitory, qui se trouve sur l’album « Carnage Euphoria », je suis parti du refrain, avec cette petite mise en place, et j’ai composé le reste à partir de ce passage. Et le fait de composer entièrement les morceaux en ayant toujours en tête une idée précise de ce que je vais jouer à la batterie fait que quand je dois le jouer pour la première fois, les choses se mettent en place très vite et facilement.
Ça rend donc peut-être la composition des parties de batterie plus efficace…
Efficace peut-être oui, mais d’un autre côté, si on veut être un peu plus critique, je pense que l’on est moins créatif, car on joue un peu plus la carte de la sécurité. Je ne me remets pas vraiment en question et je joue des choses avec lesquelles je suis à l’aise. Alors que quand je joue les compositions de quelqu’un d’autre, je dois me remettre en question et réfléchir plus longuement à ce que je vais jouer afin de pouvoir proposer les meilleures choses possible.
Pour moi, ton jeu de batterie se rapproche de batteurs comme Doc de Vader par exemple, surtout dans les Blasts-Beats…
(Il me coupe et lève le pouce) Merci ! J’adore Doc, c’est un énorme compliment pour moi. C’était, pour moi, le meilleur batteur de Death Metal qui soit.
Pour moi, ton jeu de batterie est assez similaire au sien, dans le sens où il repose sur des valeurs un peu plus « old-school », avec beaucoup d’énergie et d’agressivité. Tu sembles te concentrer plus sur l’énergie que la technique pure, même si ce que tu joues est assez technique, mais beaucoup moins complexe qu’une bonne partie des groupes actuels qui, selon moi, deviennent de plus en plus techniques, mais perdent considérablement en agressivité. Quel est ton ressenti par rapport aux modes actuelles dans le monde du Metal ?
Je suis tout à fait d’accord avec toi, et je suis heureux de savoir que tu ressens les choses de cette manière en ce qui concerne mon jeu, car c’est ce que j’ai toujours voulu faire passer. Je ne suis pas un batteur super technique et je n’ai jamais cherché à le devenir. Bien sûr, ce que je joue est technique jusqu’à un certain point, mais je pense que dans le Death Metal, il est plus important de se concentrer sur l’énergie, la puissance et de jouer avec ses tripes que de chercher à être le batteur le plus technique ou le plus rapide qui soit. Parce que je pense que ça retire l’aspect brutal de cette musique, et le Death Metal repose là-dessus : l’énergie, la puissance et la brutalité. Pour en revenir à Doc, ça n’était pas le batteur le plus technique ou le plus rapide qui soit, mais il jouait le Death Metal comme personne d’autre. Il jouait avec tellement d’énergie et avec ses tripes… Il reste inégalé pour moi.
Parlons maintenant un peu de son. Tu sembles être plutôt attaché à un son organique. Quelles sont les choses auxquelles tu accordes le plus d’importance lorsque tu es en studio par rapport au son de ta batterie ?
Je suis un grand fan du son naturel et j’ai toujours pensé qu’une batterie bien accordée avec de bons micros sonnera toujours mieux qu’un kit samplé. Mais je t’avoue que sur presque tous les albums que j’ai enregistrés, nous utilisons des échantillons sur certains éléments de la batterie. Ça dépend du producteur avec lequel tu travailles et de qui va mixer l’album. Parfois, tu dois sacrifier certains aspects pour obtenir un bon résultat. Mais en ce qui me concerne, tant que la batterie sonne bien, je suis heureux. J’essaie autant que possible d’éviter les sons échantillonnés. Mais en même temps, avec la musique que je joue, c’est parfois un mal nécessaire. Sur le dernier Cut Up, la caisse claire et la grosse caisse sont à 50/50 son naturel et échantillons. Les toms, en revanche, sont complètement naturels. Mais ça a aussi beaucoup à voir avec le temps disponible en studio et le budget alloué à l’enregistrement, ce qui a toujours été un point sensible. De nos jours, c’est encore plus le cas, car les groupes vendent beaucoup moins d’albums qu’il y a 20 ans peut-être. Nous devons donc utiliser le temps passé en studio de la façon la plus sage qui soit. Bien sûr, nous pourrions obtenir un super son entièrement naturel avec ma batterie, car j’ai un excellent kit, que je sais vraiment accorder. Mais ça n’est pas aussi simple, car il faut également que la batterie soit suffisamment « clean » pour passer à travers le mur de guitares.
Même s’il s’agit d’un mélange entre son naturel et échantillons, je n’y vois pas de problème tant que l’on ressent la présence d’un vrai batteur sur l’album…
Oui exactement ! Je suis d’accord et je trouve qu’il faut préserver un côté sale là-dedans. Je n’aime pas quand tout est parfaitement aligné et froid. C’est primordial que l’on entende qu’il s’agit d’un vrai batteur et pas d’une machine.
Est-ce que tu pourrais maintenant nous parler un peu du matériel que tu utilises ?
Je suis endorsé par Tama depuis à peu près 8 ans, mais je jouais déjà dessus bien avant, car ça a toujours été ma marque préférée. J’ai eu ma première Tama en 1990, une Rockstar Pro, coloris Fire Storm Red, avec deux grosses caisses de 22’’, toms 10’’, 12’’, 13’’ et tom basse de 16’’. Aujourd’hui, je joue sur une Starclassic B/B (bubinga et bouleau) que j’ai depuis à peu près 8 ans. Elle a un son génial et sa finition Dark Mocha Fade est superbe. J’ai deux grosses caisses de 22’’, des toms de 10’’, 12’’, 13’’ et un tom basse de 16’’. La caisse claire est également une B/B assortie au reste du kit. J’utilise des pédales Speed Cobra avec des battes Iron Cobra et tout le hardware est également du Tama. Pour les cymbales, je suis endorsé par Meinl depuis 2009. Mon set est un mélange de MB20, de Soundcaster Custom, de MB10, de Byzance et de Classics Custom. Pour les crash, j’utilise des Soundcaster Custom et des MB10, la ride est une Heavy Bell Ride MB20 de 22’’, avec un gros dôme bien puissant. C’est une ride parfaite pour jouer du Death Metal. Le charley est un Heavy Soundwave MB20 de 14’’. J’ai aussi une Byzance Brillant Splash de 10’’, ainsi qu’une Trash Crash 18’’ Custom Classics. Celle-là est marrante, avec un son très puissant et assez sale. J’ai également une Piccolo Trash China 12’’, une petite cymbale d’effet percée que je place devant moi, à côté de ma splash. Et pour finir, une Rock China MB20 de 18’’. J’ai aussi une 20’’, mais j’alterne entre ces deux-là selon le contexte. Je privilégie la 18’’ pour les concerts et la 20’’ pour les enregistrements.
Tu changes beaucoup ta configuration entre le studio et la scène ?
Non, ça reste assez similaire. La seule différence est que j’utilise peut-être un peu moins de cymbales en concert. Parfois, quand il est possible d’avoir un set de location, j’opte pour cette solution et je prends ce qui est disponible. Ça permet d’économiser beaucoup sur les frais de transport, car à chaque fois que nous jouons dans des festivals en Europe, nous nous y rendons en avion. Mais ma configuration la plus réduite comprend toujours ride et charley bien sûr, ainsi que trois crash et une china. Si je dois enlever des choses, ce sont les cymbales d’effet qui partent en premier.
Tu as enregistré le dernier album d’Amon Amarth, « Jomsviking ». Est-ce que tu as abordé les parties de batterie d’une façon différente ?
Oui, tout à fait, car c’est un style différent de ce que je fais d’habitude. Ça a été un challenge vraiment sympa et excitant. Beaucoup de titres avaient été composés avec des parties de batterie programmées par Olavi et Johan (guitaristes du groupe). Ils avaient donc une idée assez précise de la façon dont la batterie devait sonner. Donc je suis parti de ça pour développer un peu les parties par la suite et y mettre ma patte. Mais c’était vraiment sympa, car j’ai dû me focaliser plus sur le groove, jouer des parties simples et lourdes, ce qui s’avère parfois plus difficile que ce que l’on pourrait penser. La plupart des choses que j’ai jouées ces 25 dernières années étaient des trucs vraiment rapides, mais jouer lentement peut parfois s’avérer un vrai challenge ! Surtout en studio, quand tu as un peu de pression sur les épaules.
Est-ce que tu as une routine de travail concernant l’instrument ? Quels sont les exercices que tu travailles le plus ?
La réponse est facile : je n’ai pas de routine de travail ! (rires) Je n’en ai jamais vraiment eu non plus. Je n’ai jamais trop aimé travailler l’instrument. Les 3 premières années, j’ai beaucoup travaillé bien sûr, mais surtout en jouant sur mes albums préférés, et j’ai beaucoup appris. Vraiment beaucoup. Mais à part ça, je ne me suis jamais assis quelques heures à travailler des rudiments ou autre. Et ça n’est pas quelque chose qui me manque, car dès que j’ai commencé à jouer de la batterie, j’ai eu la possibilité de jouer avec d’autres personnes en groupe. Et on travaillait beaucoup ensemble, donc je dirai que c’est comme ça que j’ai le plus bossé la batterie et que j’ai développé mon jeu. J’ai bien essayé quelquefois de m’asseoir pour bosser au métronome, ce genre de choses, mais je n’ai pas la discipline nécessaire pour m’y tenir. Je préfère jouer en groupe.
Quels albums pourrait-on retrouver dans ton lecteur MP3 et quels sont les albums actuels que tu écoutes le plus en ce moment ?
En ce moment, j’écoute beaucoup le dernier Mastodon, « Emperor Of Sand », qui est vraiment excellent. Le dernier Lock Up, « Demonization », et un groupe suédois qui s’appelle Mordbrand, qui vient de sortir un album intitulé « Wilt », qui est vraiment cool. Ce sont trois bons exemples de ce que j’écoute actuellement. À côté de ça, les classiques habituels comme Iron Maiden, King Diamond, Deep Purple…
Vivre du Metal est particulièrement difficile. Quels conseils donnerais-tu à de jeunes musiciens qui voudraient y arriver ?
Je ne sais pas, j’aimerais bien en vivre moi-même ! (rires) Je travaille 40 heures par semaine, comme tout le monde. Par moments, il m’arrive de faire des sessions comme pour Amon Amarth, mais pour le reste, je suis un travailleur normal si je puis dire. Mais si je devais quand même donner quelques conseils aux jeunes musiciens, je dirais : laisser son égo de côté, être gentil avec les gens, ne pas se comporter comme une Rockstar, car tu n’en es pas une. Et pour les batteurs qui veulent être rapides ou jouer du Death Metal, mon conseil serait d’apprendre d’abord à jouer lentement. Il faut être capable de jouer lentement et de jouer des choses simples. Écouter les vieux AC/DC, Deep Purple, Led Zeppelin, Accept, etc… Apprendre à jouer super bien, mais lentement d’abord, car c’est le plus dur. Et si tu commences à jouer vite tout de suite, les gens vont s’apercevoir que quelque chose cloche et qu’il te manque un truc. •