UDO DIRKSCHNEIDER : MON BATTEUR ET MOI

UDO DIRKSCHNEIDER / U.D.O.

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Interview publiée en juillet/août  2013 – Batteur Magazine n° 271

Udo Dirkschneider, ex chanteur d’Accept et désormais artiste solo, a passé plus de quarante ans au service du métal. Il a donc une idée très précise sur la manière dont un batteur de heavy doit sonner, mais sans pour autant être capable de théoriser sur le groove. Soit ça sonne, soit ça ne sonne pas. Point barre !

Udo, que pourrais-tu dire de Francesco Jovino qui t’accompagne depuis 2005 ?
Il possède exactement le groove dont nous avons besoin, le même que celui d’Accept. Lorsque Stefan Kaufmann (Ndr : Ex batteur d’Accept reconverti depuis à la guitare) l’a vu jouer pour la première fois, il m’a dit : « Ok, c’est le gars qu’il nous faut. Il a le groove ! Il est même bien meilleur que moi ! »

Peux-tu préciser la nature de ce groove tant recherché ?
Pffffffhhhhh !

Difficile de l’expliquer…
Oh oui ! Comment dire ? Je ne peux que faire une comparaison. Ecoute AC/DC et tu comprendras. Vois-tu, le batteur que nous avions avant, Lorenzo Milani était très brillant d’un point de vue strictement technique, mais il n’était pas un batteur de heavy. Et pour cause, son background était purement jazz. Francesco n’est pas aussi technique, mais il a le « truc ». Je vais tenter d’éclaircir un peu ma réponse. Lorsque Stefan a dû quitter Accept à cause de ses problèmes de dos, nous avons auditionné de très grands batteurs dont Carmine Appice. Ce dernier était très enthousiaste à l’idée de jouer avec nous. Il était du genre : « Yeah ! Faisons le ! ». Nous l’avons donc auditionné en le priant de nous accompagner sur Balls to the wall. Le hic, c’est qu’il était incapable de la jouer correctement. Le soir même, alors que nous dînions, il s’est désisté de lui-même : « Ecoutez les gars, je suis vraiment désolé, mais je ne peux pas jouer ça ! »

Mais quelle était la réelle difficulté ? Ce n’est qu’un « poum tchak » !
Un batteur pourrait mieux en parler que moi, mais je pense qu’il n’insufflait pas le bon mouvement au charley. De toute façon, cela ne sert à rien d’analyser le pourquoi du comment. Cela se ressentait, c’est tout !  Tu peux jouer du Accept ou du U.D.O. de bien des manières, mais si tu ne respectes pas l’esprit, il manque quelque chose !

Sur le dernier DVD, Live à Sofia, on remarque que Francesco est très avare en ghost notes…
Effectivement, il a une approche directe, et c’est exactement cela que nous recherchons. Pas de fioritures dans U.D.O. Cela ne ferait que nous desservir.

La technologie c’est bien beau, mais je tiens à ce que la batterie ne sonne pas trop moderne. Je veux pouvoir entendre un vrai son de grosse caisse acoustique et des toms à la résonance profonde.

Comment avez-vous enregistré la batterie du dernier album « Steelhammer » ?
Francesco a bossé dans son propre studio en Italie, ce qui lui a permis de prendre le temps de bien faire les choses. Il a même pu expérimenter des plans originaux dans quelques morceaux comme Take My Medecine. Il en a d’ailleurs bavé, surtout sur l’intermède instrumental très progressif. Je me souviens de ce jour où je lui ai parlé par Skype. Il en pleurait presque : « C’est dingue Udo, je n’y arrive pas !! ». Mais il a de la volonté. Je n’ai jamais douté de lui et il ne cesse de me surprendre.

A propos de groove, peux-tu évoquer le temps où Stefan était batteur dans Accept ?
Il est effectivement à l’origine du groove si cher à nos cœurs. Le plus drôle, c’est qu’il n’est pas vraiment batteur. Son instrument de prédilection a toujours été la guitare. Ceci dit, tous les batteurs qui sont passés dans U.D.O. n’avaient aucune chance si Stefan ne nous donnait pas le feu vert en amont. Même s’il ne pouvait plus jouer de la batterie à cause de son dos, il a toujours mis un point d’honneur à se positionner en tant que gardien du groove ! (Ndr : Stefan a depuis quitté son poste de guitariste en 2012, son dos l’empêchant désormais d’assurer les tournées).

Est-ce que Stefan se permettait parfois de jouer les mentors avec Francesco ?
Au tout début, il lui donnait quelques tuyaux, surtout sur la manière de fonctionner avec le bassiste. Nous avons besoin d’une solide section rythmique. Nos rythmiciens doivent être disciplinés en évitant de trop en mettre. Mais Stefan n’a pas eu à jouer ce rôle de conseiller bien longtemps car aussi bien Fitty (Wienhold, basse) que Francesco possédaient dès le début la bonne attitude.

Quelle a  été ta première réaction lorsque tu as entendu le rythme de double grosse caisse de Fast As A Shark (« Restless and wild », 1982) ?
Les premiers mots qui me sont venus étaient : « Doux Jésus ! Mais qu’est-ce que c’est que ça ! » (Rires !!) Bon, il faut dire que c’est la première chanson de speed metal de la création. Il y avait de quoi être surpris.

Tu avais donc dès le début la sensation de tenir quelque chose de vraiment inédit…
Oh oui, et l’idée vient de Stefan. A mes yeux, il était celui qui apportait les idées les plus novatrices. Sans lui, Accept ne serait pas ce qu’il est ! Non seulement il était l’un des rares dans les seventies à posséder une double grosse caisse, mais en plus, il savait s’en servir.

Quel souvenir gardes-tu de Stefan Schwarzmann, qui a joué dans U.D.O., et qui est le batteur actuel d’Accept ?
(Le regard sombre) Hum… un bon batteur, mais qui ne possède pas le bon groove. A vrai dire, il n’était pas si carré ! Nous avons besoin d’un musicien plus solide.

Te permets-tu de conseiller les batteurs avec qui tu joues ?
Non ! En règle générale, ils savent exactement ce qu’ils ont à faire. Ceci dit, lorsque nous préparons une tournée, je me permets de mettre mon grain de sel, mais uniquement pour la gestion des enchaînements entre les morceaux.

Quelle est pour toi la meilleure partie de batterie d’U.D.O. ?
En ce moment, je citerais encore Take My Medecine, ainsi que Heart Of Gold de notre album « Faceless World » (1990) dont le rythme n’est pas si évident. Je terminerais par They Want War « Animal House » (1987) dont peu de batteurs ont réussi à piger le mouvement.

Avant Stefan Kaufmann, il y avait dans Accept un autre batteur, t’en souviens-tu ?
Bien sûr, c’était Frank Friedrich ! Par contre, il y en avait un tout juste avant pendant un très court laps de temps, et je ne me souviens pas de son nom. Pour en revenir à Frank, il a joué sur le tout premier Accept, mais c’était une autre époque…

Tu veux dire qu’il n’avait pas le bon groove ?
Oui, mais tu sais, ce n’était pas uniquement dû à son jeu. A mes yeux, que ce soit pour les guitares, la batterie ou le chant, nous n’avons trouvé notre son qu’à partir de notre troisième  album « Breaker » (1981).

Pourtant le précédent « I’m A rebel » (1980) définissait pas mal de bases…
Oui mais nous nous cherchions encore et étions bien trop proches d’AC/DC.

Préfères-tu les sons de batterie sales ou très clean ?
La technologie c’est bien beau, mais je tiens à ce que la batterie ne sonne pas trop moderne. Je veux pouvoir entendre un vrai son de grosse caisse acoustique et des toms à la résonance profonde. Pour ce qui est de la caisse claire, je la veux fracassante, dans ta face ! Par contre, je n’aime pas les invasions de crashs.

As-tu un dernier message ?
A tous les batteurs, persévérez et trouvez votre propre style !  •